Richard Ernest Tremblay
30 novembre 2016 - Richard E. Tremblay décroche le 'Nobel de la criminologie'
Spécialiste du développement de l’enfant, Richard E. Tremblay obtient l’une des plus importantes reconnaissances mondiales en criminologie: le Prix de Stockholm.
Le psychologue Richard E. Tremblay, professeur émérite de l’Université de Montréal, obtient le Prix de Stockholm 2017, qu’on surnomme le «Nobel de la criminologie» en raison de son prestige dans la communauté scientifique mondiale. «Je suis très honoré de cette reconnaissance, d’autant plus que je n’ai pas une formation en criminologie. J’ai été orienté vers les problèmes de délinquance au cours de ma formation au Département de psychologie de l’Université de Montréal il y a 49 ans, dans le programme qui est à l’origine de l’École de psychoéducation», commente le lauréat, que nous avons joint en Europe, où il passe beaucoup de temps en raison, notamment, de ses travaux menés à l’école de santé publique de la University College Dublin, en Irlande, qui lui a proposé un poste de professeur.
Doté d’une bourse de un million de couronnes (environ 145 000 $ CA), le prix a été instauré en 2006 par le ministère suédois de la Justice pour souligner «les réalisations remarquables dans la recherche criminologique ou l'application des résultats de la recherche par les praticiens pour la réduction de la criminalité et la promotion des droits de l'homme». C’est la première fois que ce prix est attribué à un Canadien.
Directeur fondateur du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant fondé en 1984 et qui compte maintenant une quarantaine de chercheurs de six universités, Richard E. Tremblay est l’auteur de plus de 500 publications qui ont été citées près de 40 000 fois selon le moteur de recherche Google Scholar. Ce spécialiste du développement de l’enfant est connu pour avoir mis au point en 1984 une base de données permettant de remonter aux origines de la délinquance. L’Étude longitudinale et expérimentale de Montréal contient des informations détaillées sur un millier de garçons de 53 écoles de milieux défavorisés, leurs parents et leur milieu social. Lorsqu’il a créé avec ses collègues cette base de données unique au monde à l’époque, l’objectif était d’orienter les interventions préventives vers des cibles plus précises pour en augmenter l’efficacité. Cette enquête a rendu possible le repérage dès la maternelle de garçons susceptibles d’avoir des problèmes sérieux de comportement à l’adolescence et au début de l’âge adulte. Le volet expérimental a permis de démontrer l’efficacité à long terme d’interventions intensives auprès des jeunes garçons les plus à risque. Ces garçons ont aujourd’hui près de 40 ans et continuent de participer à la recherche avec leurs propres enfants.
«Richard E. Tremblay a trouvé dans la petite enfance les racines des agressions physiques répétées. Désormais, il veut reculer plus loin encore», peut-on lire dans un long article sur ses travaux publié par Nature le 2 janvier 2014. La piste épigénétique qu’il suit depuis 10 ans est «provocatrice», soutient le reporter Stephen S. Hall, car elle s’appuie sur l’hypothèse que l’environnement modifie l’expression des gènes.
Délinquance et génétique
En effet, dans ses recherches, Richard E. Tremblay interroge littéralement les sources génétiques et épigénétiques de la délinquance. «La qualité de l’environnement influence le développement du fœtus dès les premiers moments de la grossesse, explique-t-il. Nous suivons donc des sujets de recherche, dont des jumeaux identiques, sur plusieurs années pour observer l’association entre le développement de l’expression des gènes et les différences dans le développement du phénotype.»
Cette idée est née à un moment précis. C’était en juin 2004 à Vancouver. Le professeur Tremblay était membre d’un comité de l’Institut canadien de recherche avancée sur le développement humain. Un des invités, l’épigénéticien Moshe Szyf, de l’Université McGill, a présenté ses travaux avec le psychologue Michael Meaney sur les effets épigénétiques à court et à long terme des soins maternels chez les rats. Michael Meaney avait depuis longtemps montré que les petits qui étaient les moins léchés par leur mère à la naissance étaient plus peureux et vivaient moins longtemps que ceux qui avaient bénéficié de soins maternels.
«Leurs nouveaux travaux ont constitué pour nous une révélation à peine croyable: le léchage des petits par les mères envoyait un signal chimique capable d’activer les gènes qui contrôlent le développement du cerveau. J’ai immédiatement proposé à Moshe de travailler avec nous pour vérifier dans quelle mesure ce mécanisme épigénétique jouait un rôle dans les problèmes d’agression physique récurrents», raconte le chercheur.
Douze ans plus tard, les travaux avancent bien, mais quelques décennies supplémentaires de recherche seront nécessaires pour en arriver à des résultats aussi explicites chez l’humain que chez les rats!
L’équipe interdisciplinaire gagnante
En plus d’avoir fait école en criminologie, M. Tremblay a innové au chapitre de l’interdisciplinarité en ignorant les barrières entre les sciences. Titulaire d’un doctorat en psychologie de l’éducation, il avait précédemment entamé une carrière d’éducateur physique avant de s’orienter vers la psychoéducation. Il est aujourd’hui professeur émérite aux départements de pédiatrie et de psychologie de l’UdeM et professeur en santé publique à l’université dublinoise. Mais sa principale réussite est d’avoir réuni des experts de disciplines différentes pour comprendre le développement humain dans son intégralité.
Fils d’un joueur de football professionnel – son père a joué pour les Rough Riders d’Ottawa dans les années 50 –, il a appris très tôt l’importance du travail d’équipe. Mais il est aussi capable de relever des défis solitaires, puisqu’il a commencé à courir des marathons à l’âge de 64 ans.
L’être humain naît méchant!
Dans un article paru en 1999 dans la revue Criminal Behavior and Mental Health, Richard E. Tremblay et ses collaborateurs affirment, chiffres à l'appui, que l'être humain connaît l'apogée de son agressivité non pas à 25 ans ni à 16 ans, mais bien à... 17 mois. Même les dangereux criminels, les délinquants violents, les tueurs en série les plus recherchés ne sont pas aussi agressifs, toute proportion gardée, que les chérubins dans les jardins d'enfants.
«N'importe quelle professionnelle des milieux de garde vous dira qu'on doit protéger les enfants les uns des autres. On ne les laisse pas jouer avec des couteaux de cuisine par exemple: ils pourraient blesser quelqu'un. Pour nous, spécialistes du développement, ce n'était même pas évident!» mentionne le chercheur en riant.
L'homme naît bon et c'est l'environnement qui engendre le mal en lui, prétendait Jean-Jacques Rousseau en 1772. Selon M. Tremblay, cette affirmation ne tient plus même si elle sert encore d'assise aux sciences humaines. L'agression physique serait plutôt une sorte de réflexe inné qui disparaît au rythme où l'enfant s'intègre dans la société, notamment à mesure qu'il fait l'apprentissage du langage. La violence, la délinquance et même les homicides trouveraient donc leur source non pas dans un quelconque traumatisme de l'adolescence, mais dans la petite enfance. À partir du premier jour d'école, la fréquence des agressions physiques diminue pour ne subsister que chez une minorité de jeunes. Ce sont ceux-là qui «tournent mal», comme on dit...
«Depuis des années, les chercheurs se demandaient pourquoi certains adolescents deviennent des adultes violents et d'autres non. Ils cherchaient le déclic, le “onset”, comme disent les Américains. En suivant un groupe de jeunes à partir de la maternelle et jusqu'à l'âge adulte, j'ai dû me rendre à l'évidence. Il fallait regarder avant.» (Extrait du journal Forum, 27 septembre 1999.)
20 juin 2017 - La reine de Suède remet le Prix de Stockholm à Richard E. Tremblay
Richard E. Tremblay est le premier Canadien à avoir reçu le Prix de Stockholm, remis par la reine Silvia de Suède le 20 juin.
La reine Silvia de Suède a remis le Prix de Stockholm au professeur Richard E. Tremblay au cours d’une cérémonie qui s’est tenue à l’hôtel de ville de Stockholm le 20 juin. Le jury de cette distinction surnommée le «Nobel de la criminologie» a reconnu la contribution «d’un pionnier de sa discipline, auteur de plus de 500 publications tirées de travaux entamés durant les années 80 à Montréal et qui se poursuivent aujourd’hui à Paris et Dublin».
Ému, le professeur Tremblay a rendu hommage à ses collègues chercheurs et enseignants, dont Frank Vitaro et Sylvana Côté, de l’Université de Montréal. Il a aussi parlé des conditions de travail qui lui ont permis d’entreprendre à partir de peu des recherches de portée internationale financées notamment par l’État canadien et la province de Québec. Il a formé des vœux pour une collaboration soutenue entre les différents paliers politiques, les intervenants sociaux et les chercheurs universitaires pour s’attaquer aux sources de la délinquance, un travail qui s’échelonne sur plusieurs générations. Le Prix de Stockholm, estime-t-il, joue un rôle essentiel pour faire avancer les connaissances, les politiques et la pratique dans cet objectif.
Le porte-parole du jury, Lawrence Sherman, professeur à l’Université de Cambridge, en Angleterre, a résumé les délibérations des 11 experts qui ont choisi d’honorer un premier Canadien, déclarant qu’il était un «bâtisseur de ponts» entre la criminologie et des disciplines comme la sociologie, la psychiatrie… et l’éducation physique – une référence à la première formation de M. Tremblay. Ses travaux ont cherché l’explication de la criminalité jusqu’à l’intérieur des cellules de nos cerveaux. «Enfin, il a construit un pont entre la science expérimentale et la prévention. Il a fait plus que quiconque avant lui en criminologie pour formuler une théorie biopsychosociale du crime et faire en sorte que les politiques publiques s’en inspirent.»
Parmi les éléments déterminants des découvertes de Richard E. Tremblay, le professeur Sherman a mentionné l’établissement de l’âge auquel les comportements sont le plus violents dans la vie: ce n’est pas à 20 ans mais bien… à 3 ans. Cette information est capitale si l’on veut intervenir à la source de la délinquance. «Vos recherches ont déjà réduit la souffrance humaine liée aux crimes et elles continueront à le faire sans aucun doute», a conclu le représentant du jury qui a sillonné six continents à la recherche du lauréat 2017 de la prestigieuse récompense.
Doté d’une bourse de un million de couronnes (environ 145 000 $ CA), le Prix a été instauré en 2006 par le ministère suédois de la Justice pour souligner «les réalisations remarquables dans la recherche criminologique ou l'application des résultats de la recherche par les praticiens pour la réduction de la criminalité et la promotion des droits de l'homme».
30 octobre 2017 - Abondante récolte de Prix du Québec pour l’Université de Montréal
Yoshua Bengio, Michel Bouvier, André Gaudreault, Richard E. Tremblay et Christophe Guy obtiennent un des Prix du Québec, volet scientifique.
Cinq membres de l’Université de Montréal remportent un Prix du Québec 2017, la plus haute distinction accordée par le gouvernement du Québec pour souligner une carrière et une contribution exceptionnelles dans les domaines culturel et scientifique.
«Je félicite nos lauréats pour ces récompenses qui célèbrent des carrières remarquables en sciences, en sciences sociales et en génie, a déclaré le recteur, Guy Breton. Chacun à sa façon a repoussé les frontières de la connaissance, au bénéfice de la société québécoise. Nous sommes honorés de compter ces chercheurs au sein de la communauté de l’Université de Montréal.»
Yoshua Bengio, Michel Bouvier, André Gaudreault, Richard E. Tremblay et Christophe Guy sont les lauréats d’un prix scientifique. La vice-première ministre, ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation et ministre responsable de la Stratégie numérique, Dominique Anglade, a dévoilé aujourd’hui les lauréats des Prix du Québec 2017. La cérémonie de remise des Prix aura lieu le 1er novembre, à l’Assemblée nationale du Québec.
Le prix Marie-Andrée-Bertrand (innovation sociale) est accordé au psychologue Richard E. Tremblay, professeur émérite de l’Université de Montréal. Lauréat du Prix de Stockholm 2017, considéré comme le «Nobel de la criminologie», il a fondé en 1984 le Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant.
Ce spécialiste du développement de l’enfant est connu pour avoir constitué une base de données permettant de remonter aux origines de la délinquance. L’Étude longitudinale et expérimentale de Montréal contient des informations détaillées sur un millier de garçons de 53 écoles de milieux défavorisés, leurs parents et leur milieu social. L’objectif de cette base de données, unique au monde à l’époque, était d’orienter les interventions préventives vers des cibles plus précises pour en augmenter l’efficacité. Cette enquête a rendu possible le repérage dès la maternelle de garçons susceptibles d’avoir des troubles du comportement à l’adolescence et au début de l’âge adulte.